LA GROTTE DE SAINT-ANDRE DE LA ROCHE

LA GROTTE DE SAINT-ANDRE DE LA ROCHE

Vous, automobilistes, qui traversez d’un trait Saint-André pour rejoindre Levens, avez-vous un instant soupçonné la présence, dans l’univers lunaire des carrières, d’un chef d’œuvre de la nature ? Avez-vous pu imaginer que, sous les roues de votre voiture se cachait une véritable merveille ? Certes non et ceci s’explique car les Gorges de la Banquière, ce petit affluent du paillon, ont tellement subi les outrages du progrès qu’elles ont été purement et simplement rayées de la carte.

La grotte de Saint-André n’est en fait pas une grotte, voilà qui vous étonne encore plus… C’est tout simplement un pont naturel. En effet, il faut rattacher ce phénomène minéral à la présence au nord du village, au bord du torrent de la Banquière, d’une source aux qualités assez exceptionnelles : la Fuon Cauda.

 

grotte

 

La Fuon Cauda : citons Jean POLVECHE, professeur de géologie appliquée à l’université de Nice :

La rivière, ou mieux le torrent, a creusé la roche calcaire jurassique datant de 150 millions d’années, et a mis à jour des eaux souterraines, chaudes, car ayant circulé sur des roches glauconieuses et radioactives. Ces eaux souterraines, arrivant à l’air libre et perdant leur gaz carbonique, ont déposé des travertins (tufs) qui, par une lente progression continue ayant duré des milliers d’années, ont couvert le lit de la rivière et formé un pont naturel, le seul du département, sur lequel passe la route de Tourrette-Levens. »

On sait l’intérêt, sur le plan économique, du site géologique de Saint-André, dont les calcaires, d’excellente qualité, sont exploités.
On sait moins l’intérêt, sur les plans touristique et scientifique, de ce site :

  • les intenses mouvements tectoniques, générateurs des Alpes, ont amené la réalisation de structures très particulières dans ce secteur.
  • les caprices des eaux souterraines, sortant de la Fuon Cauda, ont défini une grotte aux caractéristiques exceptionnelles, dont la visite a ravi et doit ravir tous les amoureux de la nature.

Comme son nom l’indique, cette source au débit important mais irrégulier est renommée pour la tiédeur de ses eaux en hiver (près de 18° C). Par ailleurs, la Fuon Cauda a une très forte teneur en calcaire. Si grande qu’au cours des siècles les concrétions de la source ont fini par enjamber le torrent formant un magnifique pont naturel de plus de vingt mètres de tablier.

Et c’est sur ce pont que vous êtes passé si souvent sans le savoir…

Sans savoir que jadis cet endroit était si réputé que l’on venait de tout le département admirer ses voutes féériques et jouir de sa fraîcheur.

Citons parmi tant d’autres visiteurs illustres quelques personnages qui ont marqué ce lieu de leur passage :
l’écrivain  A.L. THOMAS, Albanis BEAUMONT, le grand poète LAMARTINE, le chantre du Comté de Nice Alphonse KARR, la reine VICTORIA…

Et puis le temps passa… Saint-André fut sacrifié sur l’autel du développement urbain de la Côte d’Azur. Pour construire ponts, écoles, villas, buildings…on rasa les collines, on fit de notre village une immense usine à granulats, à blocs et à sable. La belle au bois dormant s’assoupit et tout fut oublié. Par chance, dans sa lourde chasse de calcaire, notre grotte n’était pas morte, maintenue en survie par les propriétaires et en particuliers Madame Julie COLOMAS qui a connu la belle époque et en a gardé de si bons souvenirs.

Le grand poète Lamartine serait venu, accompagné d’une belle amie de passage. On dit qu’il y planta le figuier dont les branches crochues s’accrochent encore au rocher et on lui attribue ces vers :

Ici dans les flancs creux d’un rocher qui surplombe
S’ouvre une grotte obscure, un nid où la colombe
Aime à gémir d’amour. 

La vigne, le figuier, les ronces la tapissent
Et les rayons du ciel qui lentement s’y glissent
Y mesurent le jour.

La nuit et la fraîcheur de ces ombres discrètes
Conservent plus longtemps aux pâles violettes
Leurs timides couleurs.

Une source plaintive en habite la voûte
Et semble sur vos fronts distiller goutte à goutte
Des accords et des pleurs.

Alphonse KARR a dit;

Une des promenades que je vous ferais faire si vous veniez ici, mon cher Bussoni, serait sans contredit une visite à la grotte de Saint-André. C’est là que la bergère pourrait mener paître ses agnelets, au bord d’un petit torrent sur les rives escarpées duquel rougissent, à l’ombre des figuiers sauvages, d’excellentes fraises parfumées.

La grotte termine le fond d’une vallée étroite. Les rochers énormes dans lesquels, sans doute, le torrent l’a creusée, sont revêtus de figuiers qui ont glissé leurs racines dans les fentes de la pierre et se penchent sur l’eau pour respirer par leurs larges feuilles la fraîcheur qu’ils ne peuvent demander au sol.

Du haut de la grotte, toute tapissée à l’intérieur du feuillage si vert et si finement découpé des capillaires, tombe une cascade qui voile le fond de la caverne d’un rideau diaphane. Quand on est parvenu de l’autre côté de cette courtine, on voit le torrent qui, là où le terrain est encore uni, coule comme un calme et murmurant ruisseau ; ses eaux rassemblent sur leur surface tous les rayons lumineux qui se glissent dans la grotte, l’œil le suit dans l’obscurité jusqu’à un point où sans doute, éclairé par une fissure du haut de la roche, on l’aperçoit venir limpide et lumineux comme s’il était éclairé par des flammes du Bengale.

A l’opéra, un décor qui reproduirait exactement la grotte de Saint-André serait déclaré exagéré, d’un effet forcé et on reprocherait au peintre d’emprunter ses sujets, non pas à la nature, mais aux contes de fées. Sous la voûte tapissée du velours vert qu’étendent les touffes chatoyantes des capillaires, des bergeronnettes et d’autres oiseaux ont caché leur nid et payent en mélodies simples et franches l’hospitalité qui leur est donnée.