LE CHATEAU DES THAON DE REVEL
Au fond du Val de Banquière, un bâtiment très particulier barre la route depuis des siècles, le Château de Saint-André. Il s’agit d’une construction s’étalant perpendiculairement au torrent et dont la grande façade, plein sud, surplombe de manière majestueuse le village.
Aujourd’hui méconnue, cette construction historique, classée dans l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, a, jusqu’au XIXème siècle, été considérée comme un édifice architectural remarquable puisque figurant sur toutes les brochures touristiques vantant les beautés du Comté de Nice.
Sa forme tout en longueur fait référence au rocher imposant sur lequel il fut construit ce qui lui valut son premier nom de « Rocha ».
Son histoire se perd dans la nuit des temps puisqu’elle coïncide avec celle de la première route du sel.
Les murs lourds et anciens du sous-bassement perforés de meurtrières indiquent bien qu’une place forte y était établie. Par contre la partie supérieure, à l’élan décoratif évident, tranche avec les murailles guerrières laissant apparaître la transformation en résidence de campagne au XVIIIème siècle.
L’histoire d’une famille : les Thaon de Revel
Il est bien entendu difficile d’établir la liste exhaustive des différents propriétaires du lieu, cependant, outre le premier nommé dans la charte de 999, Miron, puis ses fils ainsi que les enfants d’Odile de son deuxième mariage avec Laugier Rostaing, nous trouvons un « Willelmus de Rocca » en 1108, puis un Jean Travaque puis un Raybaud Chabaud en 1441.
Mais c’est au XVIème siècle que nous arrivons à suivre avec une certaine précision la vie des habitants de cette demeure seigneuriale.
En 1555, un certain Melchior Michelotti épouse la fille de Jean III Chabaud et acquiert les trois quarts du fief.
En 1611, Pierre Thaon, médecin du Duc de Savoie, épouse Camille Michelotti, Saint-André sera désormais jusqu’en 1860 le fief de la famille Thaon de Revel (après l’acquisition, en 1685 du Revel).
De fils en fils, avec leurs nobles épouses, Lucrèce Galléan, des seigneurs de Châteauneuf, Anne-Françoise Ferrero, fille de Léandre Ferrero, sénateur de Nice, Marie Camille Thaon de Lantosque, Cassandre Chabaud, des seigneurs de Tourrette, Gertrude Provanna, fille du premier président du Sénat de Chambéry et ambassadeur de Savoie auprès de Louis XIV, Marie Thérèse Cortina San Martin, fille du comte d’Eze, Thérèse Peyre, fille du Comte de Clans, Madeleine Galléan, des Comtes d’Ascros, Pauline Galléan, des Ducs de Gadagne, Sabine Spitalieri, fille du Comte de Cessole, ils transforment la forteresse médiévale en agréable »villa » à l’italienne.
Ils ne lésinent pas sur la qualité des travaux à exécuter. L’argent ne manque pas.
En 1671 on trouve un Thaon de Revel premier Consul à Nice, tout comme en 1748, 1765 et 1776.
De 1780 à 1787 un autre est Gouverneur Général de Nice et du Comté avant de devenir Vice -Roi de Sardaigne.
Mais la Révolution Française vient tout bouleverser et le château est vendu aux enchères en tant que « bien d’immigré » en Germinal an VI de la république. Il est acquis par un géomètre-arpenteur, Scoffier, pour être à nouveau racheté par la famille Thaon de Revel au moment de la Restauration.
Lors du rattachement de Nice à la France, en 1860, les propriétaires, très liés à la famille de Savoie, désormais, famille royale italienne, optent pour l’Italie et vont s’installer au Piémont. Le château est vendu à l’hospice St-Paul, passant successivement dans les mains de diverses associations religieuses.
Depuis, le château, en dépit de sa valeur historique et architecturale a servi un peu à tout : école, colonie de vacances, casernement et hôpital militaire pendant les guerres, etc…
Il est, depuis plusieurs décennies, la propriété de l’Association des Compagnons d’Emmaüs, dont le fondateur l’Abbé Pierre, a fait un de ses tout premiers centres en faveur des plus démunis.
Des fresques rappelant le Palais Lascaris
Le classement du Château, intervenu après plus d’un siècle d’anonymat, il est bien évident que l’aspect actuel est fort loin de sa splendeur passée.
Malgré tout, l’ensemble est digne d’intérêt, il se compose de trois parties :
- A l’ouest la chapelle, église paroissiale, inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1928
- à l’est l’ancienne forteresse remaniée en villa
- au centre le fronton majestueux et le grand salon.
La chapelle
de forme circulaire, rappelle beaucoup celle de l’Abbaye de St-Pons, de style baroque italien.
Le corps d’habitation : insoupçonnable de l’extérieur, étant donné l’absence de traitement de la maison de maître, le luxe du décor interne du château joue le rôle de compensation à la pauvreté extérieure de la demeure. Les fresques sont souvent attribuées aux frères Galliari. Citons le petit salon à coupoles d’arabesques, le salon à décor d’architecture baroque en trompe-l’œil, le salon des armoiries dont chacun semble avoir traité un problème particulier de décoration.
La loggia
de filiation nettement piémontaise, résout de façon particulièrement heureuse le problème posé par l’adaptation aux contraintes du site. Chacune des neuf arcades aveugles comprend un arc cintré reposant sur des piédroits séparés par des rectangles imprimés en creux dans le mur.
Une attique s’élève au dessus des trois travées centrales, servant d’encadrement massif à la devise parfaitement appropriée aux hommes d’armes que furent les Thaon de Revel :
« ARMA TUENTUR PAX FECIT LAETOS »
« Les armes nous défendent la paix nous rend joyeux »
Derrière cette imposante façade se trouve la salle d’honneur du château dont la voûte est décorée de sujets mythologiques (le temps et la mort), elle est reliée à la maison de maître par une galerie ornée de bas-reliefs en stuc d’une indéniable qualité.